L'objet que je préfères et qui me rappelle une période tendre de mon enfance est une vieille photographie un peu cornée que m'avaient offerte mes grands-parents pour me faire relativiser et positiver par rapport à mon albinisme, afin d'avancer dans ma vie. En effet, les manchots ont un plumage noir et blanc qui leur permet de se camoufler dans leur environnement : l'Antarctique. Leur ventre blanc les dissimule parmi cette immense étendue glaciaire, tandis que leur dos noir leur permet de passer inaperçus lorsqu'ils sont dans l'eau. Ce sont des oiseaux qui ne peuvent voler, ils ont donc une démarche gauche lorsqu'ils ont les pieds sur la glace, mais sont des nageurs hors pair lorsqu'ils sont dans leur élément et sont aussi rapides que des torpilles.

C'est donc tout naturellement que je me suis précipité au bio-dôme lorsque j'ai appris qu'un mystérieux collectionneur de photos terrestres en cédait quelques unes en échange d'autres bien ou de services. J'avais la forte intuition de trouver une autre photos de manchots, ce qui me remplissait de joie à l'idée d'agrandir ma collection. D'un pas léger et enjoué je marchais, encore une fois, en direction de cette immense tâche verte qui faisait petit à petit disparaître les teintes grises des murs et sols métalliques de la station. Lorsque je fus arrivé, je me rendis compte que je n'étais pas le seul a avoir été attiré par l'appel du collectionneur. Une dizaine d'autres personnes étaient là, en train de faire semblant d'admirer une des plantes en serre du bio-dôme, devant laquelle le collectionneur avait étalé ses nombreux clichés.

Je m'avançais vers le groupe, me frayant un chemin parmi la barrière qui se tenait devant les photographies éparpillées au sol. Je les regardais une à une, lorsque soudain je me sentis instantanément attiré par l'une d'elles. Cette photo représentait des manchots et c'était tout ce que j'avais espéré trouver ici. Dessus était représenté un pétrel géant, l'un des nombreux prédateur des manchots, survolant une colonie de manchots à jugulaires, qui semblaient l'accueillir avec des cris réprobateurs, tout en s'avançant afin d protéger leurs nouveaux-nés. Je me mis à genoux afin de pouvoir la ramasser, lorsqu'une autre main se posa sur le cliché des oiseaux marins en même temps que la mienne. Stupéfait, je relevais la tête afin de découvrir le visage de la personne qui l'avait saisie en même temps que moi.

Il s'agissait d'un homme plus âgé de moi, les cheveux bruns et une légère barbe de trois jours habillé d'une combinaison rouge. Nos regards se croisèrent et je le sentis aussi déstabilisé que moi. Nous voulions tout deux la photo, et ne pensions pas qu'un autre personne serait intéressée par cette espèce qui n'intéressait déjà pas grand monde, à priori, sur Terre. Je lui adressait un regard curieux et un sourire timide, avide de connaître un peu plus cette rare personne avec laquelle je semblait partager un intérêt commun.