Solveig avait travaillé d'arrache-pied toute la soirée sur les récents résultats de ses recherches sur le cerveau. La nuit avançait, les minutes s'écoulaient et les paupières de la jeune femme furent bientot lourdes. Trèèèès lourdes. Si bien que progressivement, son corps s'affaissa, encore et encore, pour que la jeune femme finisse inéluctablement par s'endormir, encore vêtue d'une petite robe aux tons rosés et de sa traditionnelle blouse blanche -qu'elle se plaisait à porter même chez elle-.
Solveig n'était désormais plus sur Europa, dans son petit logement,
non. Elle était sur Terre, dans une contrée qu'on nommait alors Tibet. Au sein de l'un de ces temples isolés sur les hauteurs de l’Himalaya, elle contemplait l'horizon et le magnifique paysage qui s'offrait à elle. Assise et entourée de moines bouddhistes, ces derniers lui versant bientôt un verre de thé vert. Solveig inspira profondément : jamais elle ne s’était sentie autant apaisée et zen, tandis que se jouait, en musique de fond, un léger air d'ehru.
Le paradis. Cet instant était véritablement magique, et la jeune femme priait pour que rien ni personne ne puisse déroger au calme ambiant de ce moment.
Avant que le bruit de coups sur sa porte ne l’arrache précipitamment du sommeil. Sursautant et se redressant de plus belle, la jeune femme avait un léger filet de bave perlant encore ses lèvres et arborait la marque rouge des rebords de son clavier sur sa joue. De retour au sein de la dure réalité de son petit intérieur sur Europa, elle soupira profondément avant de regarder rapidement l'heure que son horloge indiquait.
2h du matin. Elle repoussa de plus belle un long soupir
-déçue d'avoir quitté un si doux rêve- quand une voix bien familière perça le silence :
“Sol...SOL J'AI BESOIN DE TOI, AUJOURD'HUI NOUS ALLONS ECRIRE L'HISTOIRE”Pas encore tout à fait réveillée, la scientifique reconnut néanmoins rapidement la voix de sa lieutenant et amie
Svea Ragnarsson. En même temps, qui d’autre que cette impulsive jeune femme pouvait venir la quérir en pleine nuit. Aussi, Solveig -pas encore tout à fait réveillée- ralluma la lumière et y accommoda tant bien que mal ses grands yeux cernés. Elle partit ensuite ouvrir à son amie, qui l’attendait toujours, époussetant rapidement au passage ses vêtements quelque peu froissés.
« Oui, oui, j'arrive Svea... Attends je t'ouvre » répondit Solveig avant de bailler de plus belle.
A peine eut-elle le temps d’ouvrir la porte que la rouquine déjà se précipitait dans son intérieur
–qui était comme d'habitude parfaitement ordonné-. A une exception prêt. Seul son bureau n'arborait pas une parfaite symétrie dans son organisation
-car en s'endormant, elle en avait légèrement décalé les effets-, mais la scientifique blonde le remarquant s’y précipita pour y corriger l'erreur, avant de proposer à son amie de s'asseoir et de fermer derrière elle.
« Fais comme chez toi surtout Sve...Ahhh » termina-t-elle le prénom de la jeune femme d’un bâillement.
Je venais de m'assoupir sur mon clavier, j'étais en train d'analyser les dernières données de mes expériences... C'est d'ailleurs vraiment fascinant, je réfléchissais à l'hypothèse de puces insérables entre les neurones et... mais la jeune femme s'interrompit brusquement, avant de reprendre, en souriant
Excuses moi, je m'emballe ! » finit-elle, avant de se frotter les yeux une dernière fois, après s'être elle-même assise dans son canapé.
Prenant un air plus sérieux, elle fixa longuement Svea, un petit sourire sur le coin de ses lèvres ; Solveig se doutait que ce n'était pas pour rien que son exubérante lieutenant venait la quérir au beau milieu de la nuit. Elle la savait extrêmement ambitieuse et investie dans l’avancée transhumaniste –
si ce n’est la plus ambitieuse de tous-.
Car là où beaucoup d'autres voyaient en Svea une folle furieuse, Solveig y percevait l'avenir d'Europa, sinon de l'humanité. « Alors, tu veux qu'on l'écrive comment exactement cette histoire ? » finit-elle par s'exclamer, curieuse et impatiente de découvrir ce qu'avait en tête la rouquine.