Tremblotante, énervée, les yeux injectés de sang, la lieutenante marchait dans la colonie d’Europa. Les mains dans les poches de sa veste rouge, elle parcourait les rues les unes après les autres. Bien que les heures étaient artificielles, les lumières extérieures étaient presque éteintes, le cycle de la nuit avait envahi la lune. Chaque personne possède un moyen qui lui est propre pour gérer son stress, celui de Svea était d’errer, de scruter chaque recoin, s'arrêter parfois et regarder l’immensité spatiale depuis sa colonie. Sa démesure et sa mégalomanie se matérialisent à travers ses yeux durant ces moments. Elle semblait être en extase devant cette immensité et se demandait alors qu’est ce qui était plus grand, ses grotesques ambitions sans limites ? Ou bien l’univers infini ? Pour elle la réponse semblait être déjà écrite. Elle se mettait parfois à sourire bêtement, se mordre les lèvres jusqu’à saigner, ne plus cligner des yeux avant un long moment, puis pousser enfin un petit soupire histoire de donner signe de vie. Aucun discours ne pouvait la convaincre, nul débat ne pouvait avoir raison de son orgueil, sa destinée était déjà toute tracée. Elle savait qu’elle allait devenir éternelle par un moyen ou un autre, l’un de ses recours afin d’atteindre le Graal était déjà sur les rails, l’autre était un plan de secours qu’elle gardait jalousement.
Mais tout cela ne semblait plus d’avoir d’importance lorsqu’elle reprenait la marche à travers les bâtiments métalliques et autres structures immenses se trouvant de toute part autour d’elle. Au fond d’elle, Svea semblait persuadée de quelque chose, comme si ce soir précis allait changer sa vie, comme si elle tissait elle même son destin et ne maintenait plus seulement les fils de ce dernier, mais carrément les aiguilles qui le font. Nul ne connaissait le secret d’une telle confiance en sois, était t-elle excessive ? Sans nul doute. Était t-elle folle ? Elle vous dira que tous les génies le sont et que chaque époque connaît son génie, mais que l’actuelle semble être la finale. Pourquoi aime t-elle autant la vie ? Elle pourrait vous l’expliquer pendant des années, mais rares sont ceux qui comprendraient tout cela.
Et soudain elle s'arrêta net. Encore plus rapidement qu’un robot. Ses actions étaient quelque peu trop spontanés, Svea pouvait mettre une personne mal à l’aise à la vitesse de la lumière, d’autant plus que son grade faisait peur à plus d’une personne. C’est également le genre de personne à vous fixer avec un regard à la fois méchant et oppressant. Bruit métallique, pas métallique, un second, puis un troisième. Ce vacarme inhumain semblait insupportable pour elle, de plus, Europa n’avait pas de robots hormis des exo-squelettes, qu’est ce qui pouvait bien provoquer cela.
Le bruit était clair et net, il venait d’une sorte d’atelier non loin de sa position et la curiosité poussa la jeune femme à aller voir cela de plus près.
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Ksénia Alekseïev
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Sujet: Re: Take my hand - Ksénia Jeu 13 Sep - 2:09
TAKE MY HAND
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Elle s'exaspérait à éloigner les vis sur sa table de travail encore et encore, loin de ses jambes de fer par lesquelles elles étaient attirées, grognant et jurant comme un charretier. Ksénia était seule ce soir, réfugiée à l'atelier tout près de son bloc alors que le reste de l'équipe étaient rentrés chez eux ; elle avait dégoté une nouvelle babiole pour littéralement une bouchée de pain, et était bien curieuse de voir à quoi elle servait. C'était un petit truc rond à aiguilles qui ressemblait à un voyant, ou une horloge plutôt, et elle voulait tenter de le réparer - ou au mois réussir à l'allumer.
Mais ces petits écrous de malheur ne faisaient qu'essayer de la coller, et la dérangeaient beaucoup dans sa manœuvre : certes c'était une vieille machine, mais quelle idée aussi de faire des pièces aussi magnétiques dans un si petit objet ? La véritable question devrait être pourquoi Ksénia a les jambes faites avec un acier qui réagit aux aimants alors qu'elle est mécano, mais ça elle n'y avait même pas pensé. Elle continuait à faire son vacarme, tête en l'air mais concentrée sur son travail - et seulement sur ça -, et elle ne se dit à aucun moment que peut être on pouvait l'entendre de dehors. Alors elle continuait de brailler toutes les cinq secondes, dès que le minuscule rond métallique qu'elle essayer de visser en place lui échappait des doigts ; c'était dans ces moments là qu'elle se disait que ça aurait mieux valu le coup de perdre ses bras au lieu de ses jambes. Sauf qu'au bout d'un moment l'inévitable arriva, et ses jambes n'ont pas pu attirer l'écrou avec lequel elle bataillait depuis de longues minutes, le laissant rouler au sol jusqu'à l'autre bout de la pièce.
Ksénia poussa un soupir et regarda le petit tas d'écrous qui restaient sur la table, séparés de leur frère porté disparu désormais. Elle avait besoin de ce truc, et si elle restait là à continuer de bosser elle ne se souviendrait plus jusqu'où il aurait bien pu arriver ; et puis son dos tirait de plus en plus, et elle il était temps de se redresser un peu. Et dès qu'elle se pencha en arrière une série de craquements et de grincements mécaniques se fit entendre, confirmant le fait qu'elle avait besoin de se secouer un peu histoire de se graisser les mollets. Mais même si son corps le réclamait, Ksénia n'avait aucune envie de se lever et c'est en se traînant à moitié qu'elle partit à la recherche de l'écrou, qui avait sans doute roulé sous le meuble le plus difficile à soulever de toute la pièce.
" Saperlipopette de ta mère ! Aie. "
Et voilà, elle allait bien finir par se manger méchamment le meuble à côté et comme ça c'était fait. Au moins, elle avait réussi à attraper l'écrou, qui s'était bel et bien logé dans le spot le plus huppé de tout l'atelier, mais qui venait encore de lui sauter des mains. Ksénia le ramassa prudemment, fit également attention à ne pas se cogner encore une fois contre le meuble en face, et pensait que son calvaire était fini : mais non, car un bruit la fit sursauter et elle se cogna la tête une seconde fois. Alors qu'elle allait encore aboyer dans le vide pour exprimer son mécontentement, elle se rendit compte que ce bruit venait en fait de la porte qui grinçait et qu'à travers celle-ci la lieutenante Ragnarsson l'observait.
" Ah- bonsoir madame la lieutenante. Que me vaut cette visite si tardive ? "
Elle s'appuya sur ses genoux en ferraille et elle se redressa, frottant la bosse qui commençait à se former sur son front. Faire son possible pour être agréable et respectueuse c'était une chose, se retenir de pondre une ribambelle de jurons cathartiques en était une autre ; Ksénia faisait de son mieux pour garder le sourire et aiguiller la lieutenante, qui au passage n'avait aucune raison d'être là, et ça la perturbait pas mal qu'elle ai émergé de nulle part.
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Svea Ragnarsson
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Sujet: Re: Take my hand - Ksénia Ven 14 Sep - 14:21
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La lieutenante savait maintenant d'ou provenait tout ce vacarme. Elle ne reconnaissait pas la jeune femme qui se dressait devant elle et venait de la saluer. Svea avait du mal à retenir les noms et les visages, son cerveau ne mémorisait pas ce genre de détails, elle avait déjà sans doute dû lui parler, ou peut-être pas, mais tout cela n'avait à présent plus aucune importance. Le bazar provoqué en pleine nuit non plus. Ses yeux se posèrent sur les atrocités mécaniques remplaçants ses jambes au point ou des larmes se mirent à couler sur son visage, mais la lieutenante n'était pas triste, elle était horrifiée de voir une telle aberration ici sur Europe. Qui avait osé lui faire une chose pareille ?! Cela tenait du blasphème pour elle, elle s'imaginait l'horrible bruit provoqué par ces choses ?
Ne la saluant pas directement, elle s'approcha de la mécano sans dire mot, s'abaissant au niveau de ses jambes, ses yeux scrutaient chaque centimètre de ces jambes métalliques, elle osa même toucher puis frissonna d'horreur. Elle était bien contente de porter des gants avec sa combinaison. Une chose la chiffonnait, le fait de savoir jusqu'à quelle partie du corps cette merde était fixée ? Si elle remontait trop haut il faudra tout découper, mais sinon un remplacement serait assez simple et pas très fastidieux.
“Je dirais cinq à six heures d’intervention vu l’état actuel des choses, si ces choses pénètrent plus profondément il faudra compter une quinzaine d’heures afin de tout terminer.”
Svea parlait toute seule, elle n’avait besoin de personne pour entreprendre ses plans, à ses yeux rien ne pouvait l'arrêter, mais elle savait au fond d’elle qu’il faudrait sans doute prévenir la personne concernée par commodité. Après tout qui pouvait bien refuser de vouloir évoluer vers un nouveau stade ?
“Tu me connais mais pas moi, cependant cela ne m'empêche pas de te proposer une faveur ! Je peux te débarrasser de ces choses qui te servent de jambes et les remplacer par quelque chose de plus humain ?”
La politesse ne faisait pas vraiment partie de son vocabulaire. Sûre d’elle c’était une femme d’action, elle n’aimait pas débattre, pour elle il n’y avait que le résultat qui comptait.
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Ksénia Alekseïev
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Sujet: Re: Take my hand - Ksénia Dim 16 Sep - 16:08
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Elle regardait la grande femme rousse, au poitrail bombé et à la posture droite, qui lentement se recroquevillait sur elle-même dans une douleur qui déformait ses traits d'habitude si fixes. Ksénia était bêtement plantée là, à ne pas savoir quoi faire devant la lieutenante qui s'étalait en miettes devant elle ; qu'est ce qu'elle était supposée faire ? Elle cherchait ses mots, pour une fois tournait et tournait sa langue dans sa bouche avant de dire des âneries, mais se retrouva toujours bien embêtée parce qu'elle ne pouvait pas bouger. Entre la double bosse sur sa tête qui commençait à littéralement lui taper sur le système et sa recherche intensive de dialogue, elle ne s'était pas aperçue que ses jambes de fer avaient été assaillies par des mains curieuses.
Elle sursauta d'un coup et poussa un petit cri, suivant la tête rousse qui l'examinait d'un air inquisiteur avec des gros yeux. Qu'est ce qui était en train de se passer, elle était en train de rêver ? La confusion pétrifiait sa colonne vertébrale, et elle restait toute sage sans bouger, comme un animal foutu de force sur la table chez le vétérinaire. Ses yeux oscillaient un coup à droite un coup à gauche ; elle attendait que ça passe d'une manière ou d'une autre, sentant la chaleur gênante d'un corps près d'elle mais n'en sentant pas le contact direct. Ksénia l'écouta sans rien dire, même pas sûre que ces mots étaient pour elle. Surtout elle n'avait pas vraiment réalisé ce que la lieutenante marmonnait dans son coin, mais quand elle finit par comprendre, elle fit un bond en arrière.
Ces jambes de substitution, si on pouvait vraiment les appeler jambes, c'était devenu toute sa vie - ou presque - depuis l'accident. Ksénia ne s'en rappelait pas entièrement, et ne voulait pas s'en rappeler, mais elle se souvenait parfaitement du jour où elle s'est retrouvée dans un lit d'hôpital, couverte de bleus et de contusions, de bandages et de plâtres, avec une sensation de brûlure infâme dans des jambes qui n'en avaient plus que la forme. Elle avait été jetée si violemment contre la paroi de la station que ses jambes avaient été pulvérisées en respectivement vingt-cinq et trente-deux morceaux. Les fractures étaient impossibles à ressouder, sans compter que rien n'était plus qu'un amas de chair, de muscle et d'os ; le temps pressait, les sécurités contre ses artères se vidant dangereusement également, et il avait été obligatoire de faire quelque chose avant qu'il soit trop tard - avant qu'elle ne puisse plus jamais marcher.
Bien sûr, pouvoir à nouveau se relever et se déplacer sans aide était un soulagement monstrueux. Quand Ksénia s'était tenue sur ses nouvelles jambes pour la première fois elle s'était sentie si vivante, si puissante, comme si elle avait gagné contre l'espace qui avait voulu la transformer en œuf brouillé ; jusqu'à la prochaine fois. Elle ne pouvait pas s'empêcher de penser à cette prochaine fois. A quand elle devrait retourner dans l'espace, enfiler de nouveau cette maudite combinaison qui ne l'a protégée de rien ce jour là, à sauter une nouvelle fois dans la gueule du loup. Alors qu'elle réalisait son absence peut être un peu trop longue, elle lança un regard à moitié perdu et curieux à sa supérieure. Maintenant tout allait bien, mais dans plusieurs jours, plusieurs mois, plusieurs années, qu'est ce qu'il en serait ? Pourrait-elle vraiment continuer à se supporter et à survivre avec des câbles et des mécanismes enfoncés dans sa chair ?
" ... c'est à dire "plus humain" ? Comme des vraies ? "
Ksénia n'était pas une abomination et elle le savait, il y avait des centaines de cyborgs comme elle parmi les colonies et à bord de la station, mais la réaction de la lieutenant Ragnarsson la fit réfléchir. Peut être que c'était comme ça que les autres la voyaient, comme un bout de métal greffé à la va-vite sur un lambeau de chair. Peut être que c'est comme ça qu'elle se verrait dans vingt ans, en repensant à cette nuit douloureusement, à se dire qu'elle aurait pu mais n'a rien fait. Cinq à six heures d'opération pour changer ses jambes, c'est toujours moins de temps que l'espace à prit pour gâcher sa vie.
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Svea Ragnarsson
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Sujet: Re: Take my hand - Ksénia Lun 17 Sep - 3:19
TAKE MY HAND
Se redraissant d’un seul coup, ses os se mirent à craquer de partout, chose dont elle avait une sainte horreur, chose lui rappelant encore sa condition humaine.
“FOUTU BORDEL”
Elle reprit cependant son calme d’une telle rapidité que l’on pouvait se questionner sur un possible trouble de personnalité ? Mais on avait beau chercher, il n’y avait rien à ce niveau, du moins, pas encore. Svea devait donc avant toute chose répondre aux interrogations de ce qu’elle espérait être sa future collègue et peut-être même la première membre à intégrer son équipe qui sait ? Mais parfois, la parole ne suffisait pas, la jeune mécano cherchait sûrement de quoi se réconforter comme tout le monde. Ces humains avaient toujours besoin de preuves pour absolument tout, mais ainsi soit t'il. Faisant quelques pas elle trouva un gros tournevis, assez long pour poignarder une personne, son sourire trahit ses émotions. Enlevant d’abord sa veste, puis ouvrant sa combinaison, elle en fit sortir son bras gauche afin de le montrer. Ce dernier ressemblait à ce qu’il y avait de plus humain en apparence ! Du moins de l'extérieur. C’est alors qu’elle prit l’outil de sa main droite et se transperça la main gauche posée sur une table. Nul cri de douleur, nulle émotion. Elle le retira et vit un peu de sang dessus. Cependant, la chose qu’elle voulait montrer était surtout qu’il n’y avait du sang nul autre part, rien ne gicla, et une forme rougeâtre tournoya à l’endroit d’empalement. Au bout d’une longue attente malaisante d’environ cinq minutes la plaie se referma toute seule, sans laisser de visibles traces de cicatrice et elle pût mouvoir sa main. Remettant paisiblement sa combinaison et sa veste, elle prit enfin la parole.
“Des preuves valent mieux que des paroles, si je coupe tes jambes métalliques elles ne repoussent pas, si elles entrent en contact avec une zone magnétique elles ne bougent pas, si elles frottent contre du mal elles ne peuvent exciter que des dégénérés.”
Marquant une pause en affichant un sourire, elle tourna autour de la jeune femme avant de venir se placer de son côté et passer son bras autour de son épaule comme si elles étaient amies depuis des lustres, puis elle chuchota.
“Je peux te rendre plus belle et attirante que jamais, je peux t’aider à accéder à un stade supérieur à l’humanité, je peux faire de toi la personne la plus rapide d’Europa comme je pourrais te rendre assez forte pour que tu puisses briser presque tout avec tes nouvelles jambes.”
Elle relâcha la jeune femme et fit un tour de l’atelier, il ne semblait pas trop mauvais, un peu sale, mais pas vétuste, il n’était vraiment pas grand, elle se demandait comment les gens peuvent t’ils encore se contenter de vivre et travailler dans un endroit pareil ? N’avait-ils donc pas assez d’ambition afin de vouloir évoluer vers quelque chose de plus luxueux, de meilleur ? Elle soupira. Elle savait qu’elle était un peu le messie d’une nouvelle ère et que les rares élus qui croiseront son chemin ne pouvaient être des coïncidences, ce soir-là, la providence l’a menée à cette jeune mécano. Revenant vers elle les mains dans les poches elle lui proposa quelque chose d’inattendu.
“Je te propose donc de t’améliorer. Il me faudra environ six heures pour changer tes jambes par quelque chose qui te donnera des sensations humaines, environ trois litres de liquides biologiques, deux de sang et un litre de lymphe, le tout mélangé à mon ingrédient secret. Des barres d’un mélange d’iridium, de palladium et de titane seront insérées dans tes nouveaux fémurs, tibias et tous les autres os des jambes et des pieds, les rendant ainsi quasi-incassables.”
La lieutenante de la lune marqua enfin une pause après ce long monologue, réfléchissant à ce qu’elle avait bien pu oublier ? L’élément le plus important…
“L’opération se passera dans des conditions spécifique, mais ça tu le verras par toi-même à mon quartier général. Je ferai un prélèvement afin de connaître ton groupe sanguin. Pour ce qui est de la douleur elle sera au-dessus du seuil de ce que n’importe quel être humain peut supporter, mais je te promets que tu ne mourras pas tant que tu es entre mes mains. Ensuite deux jours de coma total avant que tu ne te réveilles. Je ne pense avoir rien oublié ? Des questions ?”
Elle espérait de tout son coeur encore humain, que la jeune femme allait accepter sa proposition, ce serait enfin l'occasion idéale de montrer son génie à tous et ainsi surpasser de loin toutes les recherches d’Europa et franchir un nouveau cap médical. Mais une interrogation la coupa dans son imagination.